Il se passe un truc qui me dépasse.
Toute ma vie, j’ai prôné la vitesse. J’ai toujours été rapide, et j’ai toujours dénigré ce qui était – à mes yeux – lent. Quand mon mari coupe une bande de poivron après l’autre directement au-dessus du bol, au lieu de les aligner sur la planche et en trancher au moins cinq à la fois, je trouve sa lenteur ridicule. Quand une personne prend quelques instants de plus que moi pour extraire une information d’un mode d’emploi et passer à l’action, j’étouffe un soupir d’impatience. Je m’identifie au « vite fait, bien fait » et réprime ma condescendance devant ceux qui me donnent l’impression de penser ou agir lentement.
Et là, depuis quelques temps, je sens monter en moi l’envie de lenteur.
Si je me pose pour laisser ma pensée émerger, ce n’est pas la lenteur pour elle-même qui m’inspire. C’est la présence contenue dans la lenteur choisie.
En 2020, le monde a ralenti brusquement et beaucoup ont dégusté cette lenteur imposée. Trois ans plus tard, malgré le nombre de fois où j’ai entendu la volonté de ne « pas revenir comme avant », j’observe le monde et ne vois pas vraiment de différence. On dirait que les prises de conscience n’ont été que des traces dans le sable, balayées par la marée.
Prendre le temps. Se déplacer en conscience. Se laver les dents avec lenteur. Mâcher en vitesse x0.5. Sentir sa respiration entre deux pensées qui se forment. On est tellement habitué à faire vite que s’imposer un rythme plus lent nous pousse à la présence. Si on s’absente, on repart en accéléré. Essaie avec la mastication, c’est flagrant.
Dans mes cours de yoga, j’ai de plus en plus envie de lenteur, de douceur, de présence. Je vois bien que l’élan vient toujours de la recherche de cet équilibre yin-yang, cette complémentarité des énergies masculines et féminines, et que le déséquilibre ambiant m’incite à contrebalancer l’accélération exponentielle avec une lenteur appuyée.
Un de mes super pouvoirs est d’apaiser. J’ai la capacité probablement innée, automatique et relativement inconsciente d’amener l’autre à se poser, s’apaiser, se centrer, se détendre. C’est comme si je rassemblais l’énergie – la pensée, l’action – qui s’agite avec frénésie en une concentration paisible d’où émerge la puissance.
Un autre de mes super pouvoirs est de dynamiser. À l’issue d’une séance de coaching, mes clientes ont presque systématiquement gagné en motivation, entrain, dynamisme. En aromathérapie, il existe des huiles équilibrantes. Elles ont la capacité d’apaiser et de dynamiser, selon le besoin du moment. Je crois que je suis comme elles.
Quand je dis que ça me dépasse, ce n’est pas tant au niveau intellectuel. Je comprends l’intérêt et tout. Je sens que ça me dépasse comme quelque chose de plus grand et plus fort que moi. Je n’ai pas choisi consciemment de ralentir ces jours. Le ralentissement s’impose à moi, dans mon corps, dans mon être, comme un désir ardent et irrépressible.
C’est sans doute lié à ces derniers mois hyper intenses et très orientés action, dynamisme, force. La mise en place de Lieu d’être m’a fait déployé une dose certaine d’énergie yang. Des bouffées régulières de ressourcement m’ont permis de puiser cette énergie, mais la balance penchait clairement. Aujourd’hui, les bases principales sont en place et me permettent de laisser le curseur retrouver son centre à l’aide d’un doux mouvement de balancier.
Je ne sais pas encore si je publierai ce texte, ou plutôt quelles modifications je vais apporter à ce texte avant de le publier. Quoi qu’il en soit, j’avais besoin de l’écrire et suis ravie des réflexions qu’il a stimulées.