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L’imperfection dévoilée

Hier, j’ai pris une journée off. Une partie de notre famille vivant aux Etats-Unis est là en visite et nous sommes allés nous balader dans le pays fribourgeois. Pendant qu’on marchait dans les gorges de la Jogne, j’ai « écrit » un super article de blog. Tout s’y enchaînait avec clarté. fluidité et facilité.

Le problème, évidemment, c’est qu’il s’est écrit sur le support évanescent de mes pensées. J’en retrouve ce matin des bribes, comme une partie du squelette, mais la chair qui lui apportait toute sa saveur s’est dissipée avant d’être ancrée dans la matière par l’écrit . C’est exactement dans ces moments-là que je regrette amèrement que le Pensive de Dumbledore ne soit qu’un effet spécial dans une fiction.

Si tu es une âme sensible et que tu préfères te tenir à distance de ce qui peut brasser des émotions en toi, je te conseille de ne pas lire la suite.

Dans onze jours, Philippe et moi fêterons nos dix-neuf ans de mariage. Depuis le tournant du siècle, je vis avec cet homme en croyant que, de nous deux, c’est lui le perfectionniste. D’ailleurs récemment, une amie commune de longue date a collaboré avec lui sur un projet et a spontanément relevé son niveau d’exigence perfectionniste. Selon ses propres mots, elle m’a dit « Waow! Je croyais que j’étais perfectionniste, mais c’est rien par rapport à lui! ». M’étant moi-même toujours plus identifiée au « vite fait bien fait », j’ai attribué à mon conjoint le rôle exclusif de perfectionniste.

Depuis quelques semaines, je réalise que je me suis cachée derrière lui. Je l’ai plaint d’avoir sans cesse ce besoin de faire les choses parfaitement sans me rendre compte que j’étais moi-même sous l’emprise d’une croyance bien plus exigeante. Lui « doit » faire les chose à la perfection, alors que moi, je « dois » ETRE parfaite. Quelle horreur! As-tu la moindre idée de comment c’est dur, en tant qu’humaine, d’être parfaite?

J’ai un scoop pour toi: je ne suis pas parfaite. En fait non, ce n’est pas un scoop pour toi. Tu as toujours su que je n’étais pas parfaite, et ça ne t’a jamais dérangée. J’ai un scoop pour moi: je ne suis pas parfaite et TOUT LE MONDE S’EN FOUT!

Parce que (et c’est là que ça devient intéressant), ma croyance que je dois être parfaite est intimement liée à ma peur d’être rejetée (si je ne suis pas parfaite). How fucked up is that? Non, franchement, c’est quoi pour une manière tordue d’aborder la vie que de croire que si je ne suis pas parfaite, je serai rejetée? Plus tordu encore: je suis pleinement consciente que ce sont nos imperfections, notre vulnérabilité et notre authenticité qui nous rendent inspirantes. Pas notre perfection. Jamais notre perfection. Elle, elle sert juste à nous rendre inaccessible, idéalisée, et finalement rejetée comme irréelle.

La semaine passée au yoga, après deux semaines de pause pascale, j’exprimais mon incapacité à me motiver à pratiquer seule et comme mon dos se réjouissait de se délier à travers le yoga. J’affichais en toute simplicité mon « imperfection » en tant que prof de yoga (une prof de yoga parfaite ne pratique-t-elle pas quotidiennement avec assiduité, tout en ayant une hygiène de vie irréprochable?) et recevais en retour un grand sourire de soulagement de la part de mes élèves. Tout à coup, je n’étais plus la prof qui arrive à tenir une posture plus longtemps, mais simplement une humaine comme elles. C’est en étant essentiellement imparfaite (lire: humaine) avec quelques pointes de génie (lire: lumière) qu’on est inspirante. Il faut pourvoir s’identifier pour voir l’autre comme un modèle.

Bon, là tu ne t’en rends peut-être pas compte, mais je procrastine. Je fais des détours (certes intéressants et instructifs) pour retarder le moment où j’aborde le coeur du problème. La peur du rejet et la croyance que je dois être parfaite ont beau être à la base, elles créent un effet qui me pourrit la vie. Cet effet est bienveillant, il me protège, mais qu’est-ce qu’il est lourd et limitant.

Comment fait-on pour paraître parfaite et ainsi éviter le rejet? La solution la plus aisée serait d’être véritablement parfaite, mais c’est un état totalement incompatible avec le fait d’être humain. Reste donc la solution de secours: cacher les imperfections pour arborer l’apparence de la perfection. Chaque petite touche qu’on juge soi-même comme imparfaite se transforme en une touche de honte. Plus j’avance, plus je découvre à quel point je suis envahie par des touches de honte. Et bien sûr j’ai honte d’avoir honte, la plus grande imperfection de toutes!

Comme un arbre, plus on s’élève, plus on est invitée à aller profond. Depuis l’automne passé, mon étape d’élévation m’invite à mettre en lumière les hontes qui m’habitent. C’est effrayant, douloureux, difficile, et magique. Pourquoi te dévoiler tout ça ici? La honte aime le secret, la sécurité du recoin tout au fond où personne ne la voit. Elle ne survit pas en pleine lumière. Parler d’elle la tue.

Face à toi, je m’engage envers moi-même à explorer et dévoiler chaque jour une petite touche de honte qui cache une pseudo-imperfection. Je ne vais pas te partager chaque instant de ce chemin, du moins pas en temps réel. Je me laisse toute liberté dans la manière d’exprimer et dépasser ces hontes, guérir les croyances liées, redéfinir ce que j’attends de moi. Par ces mots. je m’engage à être courageuse, embrasser qui je suis et m’aimer un cran plus entièrement et inconditionnellement.

Et toi? Perfection, rejet et honte sont aussi des sujets dans ta vie? Qu’est-ce que tu en fais?

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