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Les entreprises de demain

La première fois que j’ai entendu parler d’holacratie, c’était au printemps 2017, il y a une grosse année. Ca avait l’air intéressant, et en même temps assez obscur et utopique. La personne qui en parlait, actif au sein de la Business School Lausanne, en était absolument convaincu. Les échos qui sont arrivés par la suite à mes oreilles véhiculaient tous leur lot de scepticisme, voire d’opposition virulente.

La première image que je m’en suit faite? Une organisation sans hiérarchie. Qui s’organise naturellement, sans règles pré-établies. Comme j’étais loin de la réalité!

Je ne me suis pas encore intéressée de près à l’holacratie, et me retiendrai donc d’en parler plus en détail. Par contre, j’ai trempé le doigt dans l’organisation évolutive et suis tombée dans la marmite. C’est pour moi l’évidence absolue, l’avenir incontournable, la meilleure réponse actuelle aux maux de notre société: burnout, désengagement personnel, professionnel et social, exacerbation du fossé entre gagnants et perdants dans notre société consumériste et orientée réussite extérieure, déprédation de la planète, …

Mais alors, pourquoi autant de résistance, même parmi des personnes instruites, engagées pour un monde meilleur et ouvertes de coeur et d’esprit? Voici 3 raisons que j’ai pu mettre en évidence.

Le verbe créateur

L’appellation même d’entreprise libérée participe largement à l’interprétation erronée de sa forme, son origine, son fonctionnement. Demandez au grand public ce qu’est une entreprise libérée, la majorité répondra soit aucune idée, soit une entreprise sans hiérarchie. C’est spontanément ce qui ressort, ce qui est mis en avant même dans le mot « libérée ». Or, ce n’est pas du tout le fondement de ce type de fonctionnement innovant.

Dernièrement, lors d’une conférence-table ronde organisée par la HEIG-VD dans le cadre de son Master of Human Systems Engineering, un orateur préférait l’appellation « entreprise libérante ». C’est mieux, mais ne suffit pas à rendre compte de la réalité qui sous-tend ce fonctionnement.

D’autres appellations faciliteraient sans doute la compréhension et l’adhésion du plus grand nombre. Quelques exemples? Entreprise évolutive, organisation neuronale, fonctionnement vivant. Ca nécessite toujours des explications pour comprendre le concept, mais les images spontanées qui se forment dans l’esprit de chacun sont déjà très différentes.

La vision du monde

Notre réalité est créée et perçue à travers le filtre de nos croyances, via le système d’activation réticulaire (SAR) situé dans le tronc cérébral. Que nous croyons qu’une chose est possible ou impossible, nous avons toujours raison car notre réalité est le reflet fidèle de nos croyances. Sans changer de filtre, il sera impossible d’adhérer à la vision d’une réalité différente.

Tout le monde connaît la citation d’Einstein qui affirme qu’une solution ne peut émerger du niveau de conscience qui a généré le problème.

Les fonctionnements innovants comme l’holacratie prennent racine dans des croyances différentes de celles sur lesquelles reposent les fonctionnements économiques majoritaire actuels. Ils émanent d’un niveau de conscience différent. Pourtant, ce n’est pas une notion qui ressort spontanément. Est-ce que les acteurs des organisations nouvelles ont oublié de le mentionner ou est-ce que le grand public ne l’a tout simplement pas entendu?

La fausse bonne idée

Avez-vous remarqué la prolifération de mentions nature, naturel, bon pour la planète et autre bonnes intentions écologiques? Est-ce que toutes les entreprises ont fait un bon de conscience, ou est-ce en partie une stratégie marketing pour dire au consommateur ce qu’il a envie d’entendre?

De la même manière, certaines entreprises brandissent une hiérarchie plate et un fonctionnement novateur comme argument marketing, sans réflexion de fond ou modification de sa vision du monde. Le résultat est généralement une énorme déception de la part des collaborateurs qui fait plus de tort que le maintien d’un fonctionnement hiérarchique classique.

De quoi parle-t-on alors?

Si nous ne parlons pas d’anarchie ou de délire, de quoi part-t-on alors? Comment fonctionne une organisation évolutive et vivante, quels sont ses fondements, ses présuppositions, ses caractéristiques intrinsèques?

A travers 3 notions-clés, je vais essayer de vous transmettre ma compréhension et mon enthousiasme. Parlons confiance, raison d’être et fluidité.

La confiance

L’organisation hiérarchique classique base son fonctionnement dans la méfiance. Les croyances inconscientes mais visibles sont: l’humain n’est pas digne de confiance. Il faut le surveiller, le motiver ou le punir, sinon il ne fera rien. Il faut aussi lui cacher les informations importantes, sinon il en abusera.

Au niveau personnel, c’est le reflet d’une croyance limitante extrêmement répandue: je suis imparfait, voire je suis mauvais.

L’organisation vivante est basée sur une croyance totalement opposée: l’humain est digne de confiance. Si on lui offre un environnement propice, il s’épanouira comme une plante et produira en abondance. Un environnement propice? Un lieu où l’erreur n’existe pas, tout étant source d’apprentissage. Un espace où créativité et initiative sont encouragées. Un cadre qui considère que chacun a quelque chose d’unique et merveilleux à apporter et qu’ensemble on est toujours plus intelligent.

Chercher à comprendre ou partager les nouvelles formes d’organisation sans passer par ce changement fondamental de vision du monde est voué à l’échec.

La raison d’être

De nos jours, l’écrasante majorité des entreprises ont comme but de générer des profits, faire du chiffre, satisfaire ses actionnaires. Les budgets et prévisions guident les choix et décisions. C’est le GPS de l’entreprise.

Dans les structures évolutives, la raison d’être est primordiale. Cela n’implique pas que l’argent n’est pas important: il l’est, mais au lieu d’être un but, il devient une conséquence. Un renversement de l’ordre des choses qui change tout!

Concrètement, cela signifie que les choix et décisions suivent le GPS de la raison d’être: est-ce que ce choix sert la raison d’être de l’entreprise? Si la réponse est oui, c’est mis en oeuvre, peu importe le coût direct. La croyance sous-jacente est que la vie est abondante et que ce qui est juste et bénéfique pour le plus grand nombre sera toujours soutenu et rendu possible. C’est par exemple pourquoi Patagonia, qui vend des vêtements, les répare également gratuitement. Tant qu’on regarde le monde à travers le filtre du manque, c’est un comportement totalement absurde. Quand on se place depuis une vision de confiance et d’abondance, faire ce qui est juste et sert la raison d’être devient une évidence.

La fluidité

On entend à tous les coins de rue parler de gestion du changement. Il s’en dégage toujours quelque chose de laborieux, empreint de résistance et de douleur. Pourquoi alors vouloir à tout prix le changement et l’innovation?

Le monde se complexifie et les recettes appliquées jusque là ne sont plus satisfaisantes. L’évolution est donc nécessaire pour s’adapter au changement permanent et de plus en plus rapide de contexte.

L’entreprise classique fonctionne telle une machine: processus prévisibles, linéaires, rigides. Cette rigidité rend l’adaptation constante particulièrement difficile et génératrice de résistance.

L’entreprise évolutive fonctionne comme un être vivant, en évolution et adaptation permanente et fluide avec son environnement. Elle permet de déployer la créativité qui assure la pérennité, la prospérité et l’innovation constante. Le changement n’est plus une réponse à un contexte extérieur subit qui provoque de la résistance, mais un mode de fonctionnement spontané et intégré.

Guérir les entreprises

Personne ne peut nier le dysfonctionnement actuel. Le monde professionnel est malade. Le burnout est partout. Selon une étude de Promotion Santé Suisse datant de 2016, une personne active sur 4 vit stress et épuisement au travail, ce qui provoque un coût de plus de 6 milliards (!) par an.

Où qu’on se tourne, un mot revient en permanence: le sens. Manque de sens. Recherche de sens. L’entreprise classique a remplacé le sens par la réussite financière. Mais tout le monde le sait: l’argent ne fait pas le bonheur. C’est exactement le contraire, comme le dit si bien Simone Milasas dans son livre Joy of Business: « Money follows joy. Joy never follows money ».

L’entreprise évolutive nourrit ce besoin de sens, et il en découle épanouissement et prospérité. Ce modèle d’organisation est parfaitement en accord avec mes valeurs professionnelles, les plus fortes étant l’audace d’être soi et différent, la contribution à un monde meilleur, la bienveillance face à soi et au monde, la responsabilité de chacun en toute situation.

Et vous, quelles sont vos valeurs? Comment voyez-vous l’entreprise de demain? Que pensez-vous du modèle évolutif? Quel nom trouveriez-vous approprié à ce type de fonctionnement? Quelles réflexions vous suscitent cet article? Qu’avez-vous envie de faire pour guérir les entreprises et le monde?

#EntreprisesDeDemain

 

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